Coralie a 20 ans. Elle est élève aide-soignante. Dans le service d’orthopédie dans lequel elle effectue son stage, elle voit et entend des choses qui la mettent mal à l’aise. Des gestes parfois brusques, des paroles blessantes. Mais Coralie ne dit rien. Parce qu’elle est stagiaire. Parce qu’elle doit valider son stage. Parce que ça n’est pas à elle, la petite jeune, de dire quelque chose aux soignants diplômés. Alors elle se tait.

Coralie a 22 ans. Diplômée depuis peu, elle effectue des missions d’intérim. Dans certains établissements, elle voit et entend des choses qui la mettent mal à l’aise. Des moqueries, des toilettes vite expédiées. Mais ça n’est pas à elle, l’intérimaire de passage, de dire quelque chose. Alors elle se tait.

Coralie a 25 ans. Après quelques années d’intérim, elle aimerait se poser un peu. Elle enchaîne les CDD au sein d’un EHPAD, en espérant décrocher un CDI. Elle voit et entend des choses qui la mettent mal à l’aise. Des petites humiliations quotidiennes, des repas trop vite expédiés. Mais Coralie espère un CDI, alors ça n’est pas le moment de se mettre l’équipe à dos. Et puis, ça n’est pas à elle, la remplaçante, de dire quelque chose. Alors elle se tait.

Coralie a 26 ans. Elle est enfin en CDI. Elle voit et entend des choses qui la mettent mal à l’aise. Des sonnettes débranchées, des résidents qui restent dans leurs protections souillées trop longtemps. Mais bon, elle est en période d’essai, alors serait-ce prudent d’aller critiquer ses collègues en ce moment? Et puis, est-ce vraiment à elle de le faire? L’infirmière serait mieux placée qu’elle non? Alors elle se tait.

Coralie a 30 ans. Elle est toujours en CDI dans le même EHPAD. Elle voit et entend des choses qui la mettent mal à l’aise. Mais cette année, elle passe le concours infirmier et, si tout se passe bien, sa formation sera financée par son employeur. Ce serait dommage de passer à côté d’une si belle occasion pour quelques paroles malheureuses! Alors elle se tait.

Coralie a 32 ans. Elle est élève infirmière. Dans le service de gastro-entérologie dans lequel elle effectue son stage, elle voit et entend des choses qui la mettent mal à l’aise. Des jugements, des sarcasmes, des “il l’a bien mérité”. Mais Coralie doit valider son stage. Alors elle se tait.

Coralie a 35 ans. Elle est infirmière. De retour à l’EHPAD, elle voit et entend des choses qui la mettent mal à l’aise. Mais c’est compliqué, parce que bon, quand même, ça fait 10 ans qu’elle travaille ici, alors elle ne se voit pas jouer à la cheffe avec ses collègues. Alors elle se tait.

Coralie a 45 ans. Elle s’est habituée aux choses qui la mettaient mal à l’aise. Les jugements, les moqueries, les gestes un peu brusques… Elle s’est habituée à tout ça, parce qu’au fond, cette équipe est sympa, tout le monde se connaît depuis longtemps ici, c’est un peu comme une grande famille. Et puis, il faut avouer que certains résidents sont difficiles quand même, alors rire un peu entre collègues, ça détend, ça permet de supporter les conditions de travail et les horaires à rallonge. Alors elle se tait.

Coralie a 90 ans. Infirmière à la retraite, elle est en EHPAD. Mais maintenant, quasi grabataire, elle ne passe plus ses journées en salle de soins mais dans sa petite chambre. Et, du fond de son lit, elle voit et entend des choses qui la mettent mal à l’aise. Des gestes brusques, des paroles déplacées, des moqueries. Mais ni les stagiaires, ni les aides-soignants, ni les infirmiers ne disent jamais rien à personne. Et elle, Coralie, n’ose jamais se plaindre, parce qu’elle sait bien que les soignants sont débordés, parce que certains sont quand même gentils avec elle, et parce que ça pourrait être pire après tout. Alors elle se tait.

PS : En vrai, Coralie n’existe pas. Inutile de la chercher parmi vos collègues, c’est juste un personnage de fiction.

36 commentaires

  1. Coralie aurait peut être mieux fait de faire la rebelle.
    Coralie aurait été fière d'avoir choisis de ne pas être complice .
    Coralie aurait été plus heureuse et serait là quelque part: épanouie et responsable de sa joie de vivre .
    De sa force et de ne pas avoir subi le diktat de ce système…
    Mais, respect Coralie , le corail…est fragile et indispensable. Et surtout d'une valeur inestimable.

  2. Je suis "Coralie" et j'en souffre….maintenant je me tais car j'ai besoin d'un travail pour subvenir à mes besoins. On ne m'a jamais gardé car je disais trop les choses. Alors je me suis tue. J'ai maintenant un emploi en cdd. Je me tais……mais je gare mes convictions, j'ai fais ce métier pour prendre soin de, alors j'en prends soin. Et maintenant, je suis de nouveau sur la sellette car prendre soin demande du tps, et on ne dispose pas de tps….on me dis pas assez speed pour ce travail, alors on me mets de côté, on me demande d'accélérer la cadence, un peu comme produire….j'ai dû mal……j'y arrive pas…..

  3. Changer les choses s'est commence par en parler bravo Caroline maintenant sache que tu n'est pas la seule à te taire par contre j'aimerai qu'une seule fois tous ceux et celles qui travail dans le soins agissent en vers les patients de la même manière qu'ils aimeraient que l'on s'occupe d'eux.en fin en prenant soin de l'autre on prend soin de soi .

  4. Coralie partira avec un regret n'avoir jamais rien dit . Sa souffrance moral elle ne pourra l'apaiser . Toute sa vie dans son silence elle aura consentie et subi . Alors n'hésitai pas à prendre la ^parole , exprimer vos doutes et mécontentement déjà pour vous même .Ne faite pas les autruches .

  5. Sincèrement, moi je n'aurai pas pu car cela m'aurait rendu malade. J'ai été soignante, c'est un métier que j'avais choisi et que j'ai fait tant que les conditions de travail ont été humaines et tant que j'ai pu faire preuve d'humanité envers ces êtres humains dont je prenais soin. A un moment donné, cela n'a plus pu être possible, alors j'ai changé de voie.

  6. IL NE FAUT PAS SE LAISSER FAIRE IL FAUT SE BATTRE POUR VOUS ET SURTOUT POUR CEUX QUI SONT SANS DéFENCE, c 'est comme ça qu il faut se faire respecter plus vous courbé l 'échine plus ils vont en profité courage

  7. Facile de dire : elle aurait dû parler, dénoncer… Voyez ce qu'on fait aux lanceurs d'alerte !
    Coralie et tant d'autres se taisent car malheureusement ils sont remplaçables. Et à l'heure actuelle quand on a un travail, on fait tout pour le garder. Même si cela doit heurter notre conscience, on la ferme !
    Savez-vous ce que les patrons font à celles et ceux qui "parlent" : ils trouvent moyen de les virer, car notre société est une société de consensus mou. Pas de vagues, pas de drames. Moins on en sait, mieux c'est !
    Alors sans le savoir, mais en préservant son job, Coralie a participé à ces mensonges que l'on retrouve partout : politique, média, travail…
    Je ne cautionne pas, je comprends :j'étais cadre de soins dans un EHPAD, et si je n'ai pas fait "carrière" (devenir directrice d'établissement par exemple comme j'en avais la possibilité), c'est parce que je "l'ouvrais" trop.
    Je l'ouvrais pour défendre les résidents, pour défendre le personnel… Alors je comprends Coralie, sans pour autant cautionner.

  8. Je suis à un stade ou je ne sais plus me taire il est temps pour moi de changer de voie. … je vois trop de souffrances,que se soit les patients et/ou le personnel je ne supporte plus ma hiérarchie qui n'ai pas à notre écoute …qui ne pense qu'à remplir les chambres et pourtant j adore mon métier de soignant. …

  9. Je comprend tout à fait. D'ailleurs aujourd'hui je souhaite faire une reconversion car si j'ai fais ce métier c'est pour apporter une aide , me sentir utile, accompag er dans les moments douloureux, difficiles qu'est l'hospitalisation. Mais le système nous pousse à faire vite avec peu de moyen. Le gouvernement fait la sourde oreille, je ne veux pas être complice de tout ça.
    Je pensais que l'humanité était omniprésente dans ce genre de métier mais pas du tout.

  10. je vous comprends Coralie je travaille dans une EHPAD MOI AUSSI ON m'A DIT TU ES TROP LENTE MAIS VOILA MOI JE SUIS HUMAINE

  11. et oui malheureusement les réalités des soins dans les services et aujourd'hui au bout de 33 ans de service je quitte celui ci pour un autre parce qu'aujourd'hui il n'est pas bon de dire les choses ouvertement et on vous le fait payer indirectement et moi je dis stop , je n'en peu plus alors je pars je pars …en espérant trouver mieux.

  12. je vous comprends Caroline moi aussi c'est travailler dans une EHPAD et on m'a dit travaille plus vite faut pas toujours les écouter les vieux mais voilà moi je suis humaine et à chaque fin de contrat c'ai ouvert ma bouche BON COURAGE

  13. Entièrement d'accord avec ce qu'a dit bulle de champ …..
    Suis aide soignant en EHPAD est malheureusement pas tjrs le temps de bien faire ….alors parce que j'aime mon métier je le fais du mieux que je puisse. Coralie s'est tus mais c'est pas pour autant qu elle a été mauvaise soignante car dans le lot il y a des qd même des gens bien ( bienveillant, bien soignants, bien traitant).Et bien que ce métier soit pas tous les jours facile , COURAGE !!!
    JE SUIS CORALIE

  14. Je comprends parfaitement ce que ressent Coralie et la frustration de ne pas pouvoir exercer son métier comme il se doit. Je m'occupe d'une personne de ma famille qui est en EHPAD et malheureusement je regrette se placement. Je ne pense pas que ce soit le personnel aide soignant mais leurs cadres qui impose ce travail de gens qui s'en moque !! Quoi que certaine personne exerce ce metier car "il y a du travail dans ce domaine" et non par vocation. J'ai assisté à des scénes et eu des conversations avec les cadres et j'en ai constaté que nos personnes agées étaient génantes et traités pire que des animaux. Il faut se retenir mais hélas je finirais par adresser un courrier pour relater tous ses soucis. BOn courage.

  15. tout est dit voila ce qui me pousse aujourd'hui a vouloir changer de voie j'ai vu et entendu trop de chose pas supportable et encore aujourd'hui avec le manque te temps et de moyen se sont les résidents qui en soufre et je ne veut plus contribuer a ça

  16. je serai peut etre un jour dans un EHPAD voir ailleurs ou les choses doivent certainement etre similaires
    de peur d etre mal vu ou moins bien traité car laverite derange souvent , ….alors je me tais
    mais le monde aujourd hui , alors qu il devrait s améliorer, fait l inverse au profit de la rentabilité qui ne devrait pas exister dans certains métiers! alors encore une fois je me tais car je suis impuissant devant tant de montagnes à bousculer
    la question est : comment faire pour repartir dans une bonne voie et non vers une voix qui se tait!

  17. Se taire veut dire accepter les mal traitance et en quelque sorte participer = zéro conscience professionnelle moi je ne pourai pas me regarder dans un miroir

  18. Je suis moi meme aide soignante, se taire n'est pas la solution même si on est sur la sellette. Stagiaire cdd ou cdi on peu pas laisser faire les mauvais soignant et il faut dénoncer la maltraitance tempi si on doit être virer ou se metre l'équipe a dos. Bien sûr pas facile à faire, mais si vous avez une bonne conscience professionnelle cela sera plus simple. Penser au patients et pas à votre confort. Si sa serai un parents, ou un membre qui est chère à votre coeur vous vous batterez pour lui. N'aller pas travailler que pour votre paye à la fin du mois mais pour la personnes en face de vous.
    L'état nous facilite pas notre travail, réduction du personnelle, condition de travaille mais il faut se battre et donner le meilleur de nous même. Soyer des bon soignant pour accompagner nos patients et résidents dans le respect et de la dignité.

  19. Je ne suis pas une professionnelle, juste une voyageuse, qui s'arrête de temps en temps, ici. Alors je m'exprimerais juste comme lectrice, tout d'abord merci, merci pour ses écrits qui exprime si bien ce monde réel, de le faire découvrir pour ceux qui ne vive pas quotidiennement dedans. Très bel écris, qui m'a touché tout autant que vos autres écris.

  20. Perso, je n'aurai pas pu me taire, il faut agir et signaler le mal être
    sinon on n'est plus " humain " l' humain doit etre respecté, aimé, c'est tellement plus gratifiant pour soi, que de passer une journée dans le bonheur de donner du bien être aux patients,
    quel dommage que vous vous taisiez mesdames les infirmiers, les aides soignants, tout cela parce que vous avez p eur PEUR DE QUOI ,,,, OUVREZ LES YEUX et surtout OUVREZ VOTRE COEUR ou alors changez de travail

  21. Bonjour Coralie. J'ai travaillé dans le social. J'y ai appris sur le tas qu'il n'y avait pas de social dans le social. Votre texte je le connaît, par cœur, je l'ai vécue. J'ai débuté en remplacement, non diplômé, alors je me tais moi aussi. Un jour j'ai été diplômé parce que je me suis moi même payé les cours de formations. J'ai commencé à parler et on m'a vite fait comprendre que si je voulais garder ma place le mieux était de se taire. Alors je me suis fait élire délégué du personnel et j'ai parlé encore plus fort. Rien n'a changé. J'ai menacé. Rien a changer. J'ai mis les menaces à exécution. Rien a changer. Alors j'ai changé d'association. C'est mieux ailleurs. Rien a changé. Après quelques temps j'ai rechangé d'association. Rien a changer. Mais moi j'avais pris de l'âge. J'allais donc régulièrement retrouver notre Directeur pour lui faire part de ce qui se disait, ce qui se passait, ce que lui ne faisait pas, ce que lui laissait faire… Rien a changé. Lorsqu'il me faisait remarqué qu'il n'avait pas le temps de me recevoir je m'asseyais sur la chaise devant son bureau et lui disais que je prenais le temps d'attendre qu'il ai le temps. Il avait subitement le temps de m'écouter. Mais rien a changé. Il m'a menacé de se séparer de moi, mais moi non plus je n'ai pas changé. Il m'a toujours gardé. Il est plus jeune que moi. Malgré cela j'avais un profond respect pour le Directeur qu'il est. Je lui ai dis. Mais je lui ai également précisé que c'est le Directeur que je respectais, pas lui qui ne faisait rien. Rien a changé. Un jour il m'a fait un grand sourire et m'a dit qu'il était heureux pour moi. Ce jour là je partais en retraite. J'ai eu un beau sourire moi aussi. Moi j'étais heureux pour lui. Enfin débarrassé de moi. Plus tard je l'ai rencontré une fois. Il m'a dit que je lui manquais. J'ai été surpris et j'ai appelé les collègues pour prendre des nouvelles. Rien n'a changé, au contraire. Je prends de l'âge, pour soulager mes enfants un jour c'est moi qui serait résident et je sais déjà que je souffrirai car rien aura changé. Mais je sais que j'ai fait tout ce que pouvais, c'est ce que je crois, pour que cela change même si je n'y suis pas arrivé. J'ai choisi d'aider les autres, j'en suis fier. J'ai aidé avec les moyens que l'on nous donne et ceux que nous apportons nous même. Cela ne suffit pas mais si nous le faisant pas qui le fera? Le mal être est dans ces établissements, dans ces résidents, dans ce personnel et je crois qu'il y sera encore longtemps. Merci d'avoir ouvert une porte d'expression.

  22. Honte à tous ces (soit-disant) soignants!!!!! ils sont complices de maltraitance, donc tout aussi coupables. Cadre retraité d'un service de Longs Séjours, je pense que ces personnes ne sont pas à leur place, et qu'effectivement d'autres "vrais humains" plus professionnels ne demandent qu'à travailler…

  23. c est vrai que c est difficile j ai fait une dépression car je ne supportais pas l organisation qui apporte maltraitance aux résidents et je l'ouvrais trop . Maintenant j ai pris du recul et je me dis que le combat est perdu d'avance alors je ne renie pas mes valeurs et j'apporte de la douceur dans ce monde d'egoiste et de rentabilité . Je le fais avec le sourire et je ferme les yeux sur tous les dysfonctionnements . Les résidents me redonnent pleins de joie et de bonheur que je ne voyais pas quand j'étais stressé et deprimé par les conditions de travail . Bien sur quand c est trop dur je fais comme tout le monde je vais chez le médecin sans culpabilité . Peut être qu'un jour cela changera ? le plus important c est de ne pas renier ses valeurs humaines même dans ce contexte difficile . Courage on fait un métier formidable .

  24. Bravo pour votre écriture, vos valeurs, votre humanité!
    Je travaille comme psychologue, et (bien trop souvent) avec de fabuleuses patientes qui sont soit des Coralie temporaires soit des autres qui prennent la parole. Rien n'est simple lorsqu'on prétend s'occuper d'humain…surtout de continuer sans se dévitaliser au gré d'expériences parfois si crues.
    Bonne route à vous!
    Sophie

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